Luc Henrist

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Un chrétien a-t-il le devoir d’aimer Israël ?

Conférencier spécialiste de la prophétie biblique, amoureux inconditionnel d’Israël, Luc Henrist a bien voulu répondre à quelques questions sur un sujet où tout et son contraire se dit et se répète. J’ai voulu encourager cet infatigable combattant afin de lui permettre de nous rappeler quelques vérités essentielles de la Bible et de nous enseigner sur ce que doit être une position juste et équilibrée par rapport à Israël…


Luc Henrist, tu es un amoureux d’Israël, où tu as vécu pendant 10 ans avant d’être le pasteur d’une assemblée messianique. J’entre directement dans le vif du sujet : peut-on vivre sans aimer Israël ?

On peut vivre sans aimer Israël comme certains vivent sans aimer Dieu… Mais est-ce vraiment vivre ? Une personne disait qu’un chrétien né de nouveau ne peut pas détester Israël car l’amour pour le peuple Juif est une chose que l’on reçoit automatiquement lorsqu’on se donne au Seigneur. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec cette affirmation car je connais bien des chrétiens sincères, qui aiment Dieu mais qui n’ont aucune affinité pour le peuple Juif (ce fut mon cas pendant de nombreuses années). De plus, cette notion « d’aimer Israël » peut également dire « aimer le peuple d’Israël » et là, malheureusement, il faut avouer que pour la vaste majorité des chrétiens aujourd’hui, la réponse est négative car ils estiment que si on « aime Israël » (en tant que pays) cela veut dire qu’on est d’accord avec tout ce que fait ce pays… Ce qui est loin d’être le cas (c’est la même chose avec tous les pays du monde). Il faut « aimer » Israël dans une optique biblique et non politique !

Pourquoi Israël est-il un sujet tabou, même dans les églises ? Et qui est responsable du manque de connaissance sur la question ?

Il est évident que les chrétiens du 21ème siècle ne prennent plus le temps de lire la Bible comme les chrétiens du 20e siècle. Et c’est certainement une des raisons pour lesquelles il y a un tel manque de connaissance (non seulement sur Israël mais aussi sur d’autres sujets). Les chrétiens qui ont vécu la renaissance de l’état d’Israël en 1948 et la réunification de Jérusalem en 1967 ont pu faire le lien avec ce qu’ils avaient lu dans la Bible et s’en sont réjouis ! Si cela devait arriver maintenant, la plupart des chrétiens ne pourraient pas faire le rapprochement. De plus, il faut avouer que le « politiquement correct » qui prévaut dans notre société et la crainte d’offenser quelqu’un, font que la plupart des pasteurs/enseignants n’osent plus aborder ce sujet car, comme on me l’a déjà dit, « c’est un sujet qui crée des divisions ». Donc oui, c’est devenu un sujet « tabou », même dans nos écoles où on n’ose plus enseigner la « Shoah ».

Qu’arrive-t-il à notre jeunesse et quelle est l’urgence de l’heure selon toi ? Manque-t-il quelque chose au « Plein Evangile » ?

Pour le jeune chrétien, le sujet d’Israël est directement lié au conflit Palestino-israélien car, encore une fois, il ne base pas son opinion sur sa Bible mais sur ce qu’en disent les journalistes ou les autres jeunes. Rares sont les jeunes (mais il y en a !) qui ont pris la peine de lire leur Bible et d’écouter un autre discours que la propagande anti-israélienne avec laquelle on nous abreuve tous les jours… L’urgence c’est que « Israël est l’horloge de Dieu » mais que si on ne regarde plus cette horloge (dans une optique biblique et eschatologique), on ne saura pas quelle heure il est, et on risque de rater le rendez-vous de Dieu. Si on dit annoncer « Tout l’Evangile » alors il faut enseigner la place prioritaire d’Israël (en tant que peuple et en tant que pays) dans nos églises. Le Nouveau Testament expose clairement cette dimension, mais il faut avoir le courage d’aborder ce sujet… La plupart des « écoles bibliques » n’osent pas non plus aborder ce sujet, et donc les jeunes qui seront les pasteurs de demain seront ignorants et incapables d’enseigner à ce propos.

Romains 11 peut-il nous aider dans notre compréhension du plan de Dieu pour Israël ?

Certainement ! D’ailleurs, tous ceux qui ont fait l’école biblique ont appris (en tous cas de mon temps…) que les chapitres 9, 10 et 11 de Romains exposent clairement le rôle d’Israël dans le plan de Dieu. Romains 11 est devenu mon « cheval de bataille » car je me suis rendu compte que c’est un chapitre qui est très rarement abordé dans nos églises… Et pourtant ce chapitre est très clair et très bien rédigé. Paul utilise un langage simple et accessible à tout le monde en utilisant même une illustration pour nous faire comprendre que les non-Juifs sont en fait comme des branches d’un olivier « sauvage » qui ont été greffées sur l’olivier « franc » (le peuple d’Israël dont Jésus faisait partie) que Dieu a choisi pour se révéler au monde ! Comme le disait Jésus (Jean 4 :22) « Le salut vient des Juifs ». Quelle devrait donc être notre attitude envers ce peuple ? Une attitude de reconnaissance, d’amour, de compassion, de soutien et d’intercession. Tout un programme, que j’aborde en détail dans plusieurs émissions de TV visibles sur le Club 700.

Parlons maintenant de la Théologie de la substitution. Est-ce une théologie basée sur l’orgueil, est-ce du dédain ou carrément une hérésie gravissime ?

Je crois qu’il s’agit un peu des trois… C’est une hérésie car cette notion que l’Eglise ait « remplacé » Israël ne se trouve nulle part dans la Bible. Et c’est la conséquence de l’orgueil de l’Eglise qui, dès les premiers temps, a voulu se montrer supérieure, plus importante que le peuple Juif. Et pourtant l’Apôtre Paul mettait justement les non-Juifs en garde par rapport à leur attitude envers les Juifs : « ne te vante pas aux dépens de ces branches (les Juifs)… » (Romains 11 :18) Malheureusement, on voit clairement cette vantardise spirituelle chez la plupart des chrétiens. Il existe une forme de dédain qui fait que certains chrétiens en sont arrivés à répéter et même propager, des stéréotypes antisémites qui ont eu pour conséquence la persécution des Juifs : « Ils sont déicides, ils sont avares, ils ont la nuque raide, ils sont les ennemis de l’Evangile, ils complotent pour prendre le pouvoir mondial, etc »

Et de l’autre côté, que penses-tu de la Théologie de l’alliance, promue par John Hagee ?

Tout d’abord, je pense qu’il ne faut pas « jeter le bébé avec l’eau du bain ». Je m’explique : je ne suis pas d’accord avec cette théologie qui dit qu’il n’est pas nécessaire d’annoncer l’Evangile aux Juifs car Dieu a un plan pour eux. Mais cela ne veut pas dire qu’il faille rejeter tout ce que dit John Hagee… C’est comme avec Martin Luther, je ne suis pas d’accord avec certaines de ses déclarations/écrits (notamment sur les Juifs) mais on doit reconnaître qu’il a tout de même lancé un mouvement de retour à la Parole ! Néanmoins, je voudrais « atténuer » un peu cette notion « d’évangéliser » les Juifs car le problème, c’est que certains chrétiens sont tellement « zélés » pour « convertir » les Juifs, qu’ils arrivent en Israël comme des éléphants dans un magasin de porcelaine et une fois repartis, ce sont les assemblées locales qui doivent « recoller les morceaux »… Partager l’Evangile, ce n’est pas du « matraquage de cerveaux » ni une « Croisade » (qui rappelle de mauvais souvenirs aux Juifs) mais l’engagement d’une personne envers une autre qui partage par amour et non dans le but d’ajouter une personne à son palmarès…

Beaucoup se déclarent « antisionistes ». Que soutiennent-ils, peut-être sans le savoir ?

Je vais citer le pasteur (Baptiste) Martin Luther King qui est surtout connu comme « défenseur des Droits de l’homme » mais qui en fait, ne défendait pas que les noirs… Voici ce qu’il déclarait en 1968: « Lorsque les gens critiquent le sionisme, ils pensent aux Juifs. Donc, il est bien question d’antisémitisme… » C’est d’ailleurs aussi la constatation de Pierre-André Taguieff (CERN) qui montre dans son livre « La nouvelle Judéophobie », le fait que le vieil antisémitisme européen s’est transformé en antisionisme qui encourage la haine d’Israël et prétend que c’est un état raciste. Il faut savoir que le tout premier sioniste, selon la Bible, c’est Dieu Lui-même car Il encourage le « retour à Sion » bien des fois ! En réalité, la renaissance de l’état d’Israël est due, en grande partie, à des chrétiens « sionistes » tels qu’Henri Dunant (fondateur de la Croix-Rouge) ou Lord Arthur Balfour (Premier-Ministre britannique). A ce propos, il faut aller visiter un tout nouveau musée qui présente ces « amis de Sion » à Jérusalem !

Nicolas Ciarapica