ANTISÉMITISME, ENCORE ??

Antisémitisme… rien que le mot fait réagir certains… les mains se crispent, les lèvres se serrent ou le visage fait la moue… Oh non… De nouveau ?

Il est vrai que l’antisémitisme est presqu’aussi vieux que le monde… Tout a commencé avec le premier Juif nommé Abraham… et puis ses descendants qu’on a voulu exterminer en Égypte car le Pharaon disait que ces Juifs étaient trop nombreux et allaient prendre le pouvoir… Des années plus tard, en Perse, à l’époque de la Reine Esther, on les a accusé de vivre à part et de ne pas respecter les coutumes du pays. Haman était parvenu à convaincre le roi qu’il fallait les anéantir. Ensuite, on voit dans le livre de Daniel, alors qu’ils étaient en déportation à Babylone, que Daniel et ses compagnons ne se prosternaient pas devant une idole, une statue. Ils ne se prosternaient que devant le Dieu d’Israël. Ces exemples nous montrent trois accusations envers les Juifs qu’on retrouve jusqu’aujourd’hui : « Les Juifs sont trop nombreux et trop puissants. Ils détiennent les médias, les banques, etc. », « Les Juifs vivent à part, ils s’habillent différemment, ils ne mangent pas comme nous. Ils ferment leurs magasins le samedi au lieu du dimanche, etc. » Et puis « Les Juifs qui vivent parmi nous refusent de s’assimiler à nos coutumes, à notre religion. Ils refusent de plier le genou devant nos dieux, nos idoles. »

Emmanuel Macron avec le Président israélien Réuven Rivlin en mars 2021

En résumé l’antisémitisme se manifeste sous plusieurs formes : 1. Sociale (ils sont trop nombreux, trop puissants et ils sont différents de nous) 2. Religieuse (ils n’ont pas la même religion que nous ni le même Dieu) et 3. Raciale (accusation principale du régime nazi). De nos jours, on pourrait ajouter une autre forme : 4. Politico-religieuse (beaucoup croient que tous les Juifs sont de droite et ultrareligieux ; ce qui est loin d’être le cas !).

« Antisémitisme:
Doctrine ou attitude systématique de ceux qui sont hostiles aux juifs et proposent contre eux des mesures discriminatoires. »
— Dictionnaire Larousse

Après la fin de la deuxième guerre mondiale, et au cri de « Plus jamais ça ! », certains ont cru que le monstre de l’antisémitisme qui avait fait massacrer 6 millions de Juifs, dont un million et demi d’enfants, avait disparu… Mais ce « virus mutant » comme le nomment plusieurs personnes, n’était pas mort mais est revenu sur la scène du monde habillé de nouveaux habits. Bien entendu, l’accusation ancestrale de peuple « déicide », ce peuple qui a tué Dieu en la personne de Jésus, était toujours bien là et fut d’ailleurs repris par les nazis pour justifier le massacre des Juifs. N’oublions pas non plus l’accusation que les Juifs empoisonnaient les puits d’eau au Moyen-Âge. L’accusation moyenâgeuse qui dit que les Juifs ont pour habitude de tuer un enfant chrétien lors de la Pâque juive pour récolter son sang et en faire des matzotes (pain sans levain) a perduré. On l’a utilisée notamment en 1913 pour faire condamner un Juif d’Ukraine, Mendel Beilis. Et cette accusation a de nouveau été utilisée en 2010, lors du terrible tremblement de terre survenu en Haïti. Une équipe médicale israélienne est venue apporter son aide, en y installant un grand hôpital de campagne. Cette équipe israélienne a soigné plus de 500 personnes par jour. Des médias arabes ont alors déclaré que cette équipe était en fait venue pour effectuer des prélèvements d’organes. Et puis de nouveau en octobre 2025, les autorités palestiniennes ont accusé Israël d’avoir volé les organes d’enfants à Gaza. Cette accusation a été relayée par un syndicaliste belge.

« Combattre l’antisémitisme, ce n’est pas que l’affaire des Juifs, c’est l’affaire de tout le monde et surtout des Chrétiens vu que Jésus était Juif... »
— Luc HENRIST

On voit donc que l’antisémitisme remonte à très longtemps et était bien implanté en Europe des centaines d’années avant l’arrivée de l’islamisme. Il existe ainsi des dizaines d’incidents antisémites européens. Je pourrais notamment citer l’Inquisition qui a fait de nombreuses victimes juives qui refusaient de se convertir au catholicisme. Et je pourrais aussi parler de la Réforme Protestante qui au départ, voyait les Juifs sous un bon angle car Martin Luther pensait qu’ils se convertiraient en masse au Protestantisme. Mais comme ce ne fut pas le cas, il écrivit un livre antisémite en 1543 : « Contre les Juifs et leurs mensonges » qui est devenu le livre de chevet de nombreux nazis 400 ans plus tard pour justifier la persécution et l’extermination des Juifs d’Europe.

Vous savez certainement qu’au XVIème siècle, les ghettos où on enfermait les Juifs pendant la nuit se trouvaient à Venise, à Rome et dans d’autres villes de nos pays « chrétiens ».  Shaoul Hilberg, un historien de la Shoah a déclaré : « Les premiers chrétiens ont dit aux Juifs :   « Vous ne pouvez pas vivre parmi nous en tant que Juifs ». Les autorités séculières qui ont ensuite pris le relai et leur ont dit : « Vous ne pouvez pas vivre parmi nous » et les Nazis ont finalement décrété : « Vous ne pouvez pas vivre » …

Au XVIIIème siècle, le « siècle des lumières », la société française ne s’est pas débarrassée de ses vieux démons antisémites. En réalité, des philosophes tels que Voltaire, Diderot et Rousseau répandaient allègrement leur antisémitisme et leur antijudaïsme à travers leurs écrits.

Puis, à la fin des années 1800, en France, un antisémitisme social s’était répandu et faisait croire aux français que leurs pires ennemis étaient les Juifs. Des livres tels que « La France juive » écrit par Edouard Drumont, ainsi que les « Protocoles des Sages de Sion » font leur apparition dans les librairies. Et cette atmosphère de haine du Juif va mener tout logiquement à l’Affaire Dreyfus, qui va devenir un scandale mondial. Le capitaine français juif Alfred Dreyfus va être faussement accusé d’avoir vendu des secrets aux allemands. Et comme il était Juif, il était forcément coupable. Il a donc été  condamné en 1894 à l’emprisonnement sur « l’île du diable », à 8000 kilomètres de la France, loin de sa femme et de ses enfants, sans moyen de communication avec eux. Il y restera quatre ans et ne sera reconnu innocent et réhabilité dans ses fonctions qu’en 1906. En 1889, juste avant l’affaire Dreyfus, Adolphe Willette (peintre, illustrateur et caricaturiste français) se présente comme unique « candidat antisémite » aux élections législatives. Il déclare notamment : « …Il n’est pas question de religion, le Juif est d’une race différente et ennemie de la nôtre. Le JUDAÏSME, voilà, l’ennemi ! En me présentant, je vous donne l’occasion de protester avec moi contre la tyrannie juive… »

Pendant mon séjour en Italie (1987-1990), j’ai été nommé membre du Conseil de l’Amitié Judéo-Chrétienne de Rome. Je voudrais ici rendre hommage à Jules Isaac, un Juif français qui a pris l’initiative de fonder « L’Amitié », juste deux ans après la fin de la guerre. Pendant la guerre, sa femme, ses enfants, son gendre – avaient été arrêtés par la milice puis livrés à la Gestapo pour être ensuite déportés. Jules Isaac a établi clairement une différence entre l’antijudaïsme et l’antisémitisme. L’antijudaïsme, c’est "une tradition religieuse théologique, peut-être spirituelle". Tandis que l’antisémitisme, "qui émerge au XIXe siècle", est une théorie raciale, sociale, "où l’on accuse les Juifs de tout et du contraire de tout""Pour Jules Isaac, cet antisémitisme a des racines dans l’antijudaïsme.Son analyse a beaucoup secoué, notamment parmi les chrétiens.

A la suite de la visite du Pape Jean-Paul II à la synagogue de Rome le 13 avril 1986, le grand Rabbin de Rome, Elio Toaff avait écrit le livre « Perfidi Giudei, Fratelli Maggiori », dans lequel il retrace les relations parfois chaotiques entre la communauté juive de Rome et le Vatican. Il m’en a dédicacé une copie.

Cette année 2025, marque les 60 années qui séparent le Concile Vatican 2 de nos jours. Dans ce texte il est notamment question des « relations avec les religions non-chrétiennes ». En ce qui concerne les Juifs, voici ce que déclare ce document :

  • Rejet de l'antisémitisme : Le texte déplore toutes les formes de haine et de persécution dirigées contre les Juifs.

  • Déculpabilisation collective : Il affirme qu'on ne peut imputer collectivement aux Juifs d'hier ou d'aujourd'hui les fautes commises durant la Passion du Christ.

  • Patrimoine spirituel commun : La déclaration reconnaît l'héritage spirituel partagé entre juifs et chrétiens, en soulignant que les prémices de la foi chrétienne se trouvent chez les patriarches, Moïse et les prophètes.

  • Ouverture au dialogue : Le document a inauguré une nouvelle ère de dialogue interreligieux, considérant le judaïsme comme une religion unique et essentielle dans le plan divin. 

Bien sûr, on ne peut que se réjouir de cette “ouverture” de l’Église Catholique envers nos “frères aînés”. Mais dans la réalité, 60 ans plus tard, il y a lieu de se demander ce que ce Concile a véritablement changé, à part dans les hautes sphères du Vatican? Est-ce que tous les curés et tous les catholiques dans le monde mettent en pratique ces prises de position?

Poser la question, c’est déjà y répondre. Non, fondamentalement le complexe de supériorité des Chrétiens envers les Juifs est toujours bien présent et l’accusation de déicide a la vie longue... De même, la théologie du remplacement qui affirme sournoisement que Dieu a rejeté Israël et l’a remplacé par l’Église est toujours bien présente et influence l’attitude de la plupart des Chrétiens vis-à-vis des Juifs.

Pourtant la Bible nous montre clairement que nous les non-Juifs devrions suivre l’attitude de Ruth, la Moabite (donc une non-Juive) qui a fait cette déclaration absolument stupéfianteעַמֵּךְ עַמִּי וֵאלֹהַיִךְ אֱלֹהָי ׃ – ”Ton peuple EST mon peuple, Ton Dieu EST mon Dieu” Ce n’est pas au futur, c’est au présent. Ce qui sous-entend que nous devons considérer le peuple Juif comme notre peuple maintenant vu que leur Dieu est devenu notre Dieu pas dans le futur, pas sous certaines conditions, mais immédiatement. Il est intéressant de noter que Boaz parle de Ruth en étant la  אֵשֶׁת־חַיִל la “femme de valeur” qui nous était décrite par le Roi Salomon dans Proverbes 31. Boaz va lui donner ce titre dans Ruth 3:11. Donc son attitude lui a valu ce compliment.

« A travers cette affirmation à la femme samaritaine, Jésus nous fait cette révélation surprenante: “Le salut vient des JUIFS”.  »
— Jean 4:22

Deux autres passages du Nouveau Testament nous font comprendre que ce sont nous, les non-Juifs qui ont été “rapprochés” ou carrément “greffés” sur le peuple Juif (Romains 11): “ 17 Mais si quelques-unes des branches ont été coupées et si toi, qui étais un olivier sauvage, tu as été greffé parmi les branches restantes et tu es devenu participant de la racine et de la sève de l'olivier, 18 ne te vante pas aux dépens de ces branches. Si tu te vantes, sache que ce n'est pas toi qui portes la racine, mais que c'est la racine qui te porte.” Et puis, dans Éphésiens 2, Paul exprime que nous les non-Juifs, étions “étrangers aux alliances de la promesse, sans espérance et sans Dieu dans le monde… mais que par Jésus-Christ, nous avons été rapprochés”: “ 14 En effet, il est notre paix, lui qui des deux groupe n'en a fait qu'un et qui a renversé le mur qui les séparait, la haine.” Il est donc clair que la mission de Jésus était aussi de réconcilier les non-Juifs aux Juifs. 

Selon moi, il est erroné de faire croire que l’antisémitisme actuel est dû uniquement aux musulmans extrémistes. D’après l’étude que j’ai faite sur l’histoire de l’antisémitisme depuis le début de l’ère chrétienne (et que j’ai présentée dans mon livre intitulé « L’échec de l’Église face aux Juifs »), l’antisémitisme est un phénomène qui a toujours été transmis par notre société européenne, avant d’être importé par certains immigrés musulmans.

En conclusion, comment combattre ce virus qui se propage de plus en plus dans notre société ? Tout d’abord en combattant l’ignorance qui règne sur les Juifs. La plupart des gens ne savent rien sur l’Histoire des Juifs, sur leurs coutumes, leur religion, leurs traditions, ni sur les origines du conflit Palestino-Israélien. Ils se basent uniquement sur des ouï-dire, des préjugés, des stéréotypes antisémites et des rapports biaisés sur le conflit, qui sont colportés par les médias, les réseaux sociaux et dont dépendent beaucoup les jeunes. Il faudrait leur apprendre qui sont les Juifs, leur religion, l’Histoire de l’antisémitisme, faire une visite de la synagogue locale avec eux, participer à une fête de l’Éternel avec eux, leur faire rencontrer des enfants juifs. Nos enseignants ont beaucoup à faire dans ce domaine. De même dans nos églises, il est primordial que nos pasteurs, curés, enseignants, présentent le peuple Juif et Israël à la lumière des Écritures, qu’ils dénoncent la théologie de la substitution. En d’autres mots, remettons en avant nos valeurs « Judéo-Chrétiennes » avant qu’il ne soit trop tard…

« Mon peuple périt par manque de connaissance »
— Osée 4:6

 

Luc HENRIST 25 novembre 2025

 

 

 

Luc Henrist